La première Table-Rhône du projet Les Saisons du Rhône s’est tenue le 18 avril 2024 en présence de nombreux invité.es, acteur.ices du territoire. Parmi eux.elles figuraient des partenaires du projet comme l’OCAN et l’OCEau .
Faisant suite au premier atelier Observatoire du Rhône, organisé le 20 octobre 2022 à la Ferme du Lignon, l’objectif de cet échange était de faire le point sur l’état des questionnements sur le paysage et les cohabitations du vivant du Rhône genevois, en incitant les participants au partage d’idées, de connaissances, d’approches et d’informations concernant les composantes humaines et non humaines qui animent le Rhône.
Contexte
Le Rhône rassemble de nombreux écosystèmes et services écosystémiques. C’est une colonne vertébrale à l’échelle du canton. D’un lieu de pêche à un espace de production industrielle, qu’est-ce que le Rhône veut nous dire ? Comment le ménager, le valoriser, l’amplifier ? Comment initier une conception paysage autour du Rhône et comment construire cette grande figure territoriale ? Comment rendre compte de la complexité, de la poly-sensorialité, dans le contexte politique au sens général ?
L’idée de cette Table-Rhône a été de rassembler une majorité d’acteur.ices autour des bouleversements saisonniers qui rythment le Rhône et le vivant. Cette crise des relations et de la sensibilité (Morizot, 2023) invite à prioriser des espaces pour mesurer des actions potentielles et questionner les temporalités.
Cette Table-Rhône a été l’occasion de partager les différentes transformations, qui se passent sous contrôle ou non, de soulever d’autres manières d’organiser les relations au vivant, d’identifier des opportunités d’action (dialogue, sensibilisation, préservation, ménagement, aménagement), de synthétiser aussi de manière spatiale toutes les idées.
Atelier
Après avoir été regroupés en trois ateliers, les participant.es ont été invités à faire un état des lieux cartographique par secteurs du Rhône genevois, à envisager l’évolution du cadrage spatial de la recherche et à faire part de leurs remarques concernant les possibles manques dans le périmètre de travail proposé.
Une série de thématiques ont été abordées au fil de l’eau : activités (industrie, hydroélectricité, agriculture, mobilité, variété des usages, fréquentation, impacts, politique, etc,), acteur.ices et gouvernance du Rhône (rôle des industriels, vision frontalière, habitant.es), planification et actions envisagées (organisation de la fréquentation, enjeux de l’Observatoire, construction d’un récit commun), nuisances, tensions et conflits d’usage.
Alors qu’il a été évoqué que les liens avec le Rhône peuvent se faire de trois manières (le fêter, le rencontrer, le respecter), la synthèse des échanges a fait ressortir :
– des lieux emblématiques sur lesquels travailler (hotspots, plages, réserves, Porteous, Maison du Rhône, Evaux, La Libellule, etc…) ;
– des types d’actions : gestion (fréquentation, impacts, sédimentation, vivants, récréative et ludique), mise en commun des idées, partage du Rhône et regroupement des acteur.ices dans un réseau ;
– des besoins : discuter avec d’autres acteur.ices (militaires, écoles, etc.), consulter la population, créer un maillage, accueillir les populations le long du fleuve et recherche le contact avec lui.
Restitution
Le moment de restitution a été l’occasion pour trois grands témoins de partager ce qu’ils avaient entendu, leurs idées et leurs réflexions. Alors que les sociétés actuelles vivent une grande accélération (déplacements des personnes, mobilité des idées, intelligence artificielle, etc.), une croissance infinie dans un monde fini, le « pourquoi » a été pointé du doigt comme une lacune. En ce sens, il a été important de rappeler qu’il s’agit de réinventer des façons de faire autrement. Par exemple, comment faire naître ou s’appuyer sur ces personnalités juridiques avec le vivant ? Parler de durabilité interroge les manières de le faire et les éléments à intégrer. Est-ce qu’une ouverture vers la santé planétaire peut être intéressante, voire nécessaire ? Comment oublier les spécialités de chacun.e et les différentes disciplines pour envisager un avenir commun ? Si on répondait tous ensemble à comment se garder en santé, il pourrait peut-être exister un formidable outil.
Dans ce sens, qu’est-ce que veut dire « vivre avec » ? Selon B. Morizot, la crise écologique est une crise de l’habiter, car la Terre est de moins en moins habitable, mais elle est aussi une crise de non-reconnaissance des co-habitant.es. Que veut dire cohabiter ? Il y a autant de manière d’habiter singulières, différentes, qui ne peuvent pas se qualifier sous un même vocable. Les territoires se recoupent les uns et les autres. L’idée est donc de renforcer notre culture du vivant. En ce sens, les disciplines du projet spatial ont une responsabilité, notamment avec les représentations qu’elles produisent. A travers les modes de représentation et les images, les êtres ont fait des liens avec le monde végétal. Comment figurer les alliances ? Comment raconter les choses et créer des récits qui redonnent une puissance d’agir aux fleuves, aux montagnes ?
In fine, pour le projet Les Saisons du Rhône, une interrogation ressort : celle de chercher le bon site. Comment prendre la question de l’eau, qui est vue de manière immobile par la carte, pour déconstruire ? Quelle est la mobilité verticale de l’eau, au-delà de l’horizontal et du bassin versant ? Chercher une certaine transversalité et un décloisonnement entre les services collectifs, les étudiant.es, les habitant.es, etc. représente un vrai combat dans les habitudes acquises. Cela nécessite d’arriver à garder trace de tous ces efforts. Et c’est le rôle d’un observatoire qui a pour but de créer du lien, bien au-delà du fait d’observer. Oser de vrais changements de paysage et imaginer des bouleversements en termes de paysage demande des réflexions sur le temps long, des agencements techniques et des moments d’acceptation. Sortir de la planification directrice pour être capable de décider au bon moment questionne ainsi directement la temporalité du projet.
Laisser un commentaire